Volume 3, Issue 3: This feature highlights the Business and Biodiveristy related decisions and events at COP 9 in Bonn.
Les années 70 et 80 ont marqué un tournant dans la prise en compte de l’environnement par l’ensemble des acteurs économiques. En France, la loi fondatrice de protection de la nature (loi du 10 juillet 1976) introduit le principe de l’intégration de la biodiversité et de l’environnement en amont des projets d’aménagements ou des travaux publics ou privés. C’est le premier volet d’une série d’outils juridiques qui ont eu pour résultat le renforcement de la protection de la biodiversité remarquable ou dite « exceptionnelle », soit celle des espèces et habitats naturels protégés au niveau national et européen. Sous l’impulsion des associations de protection de la nature, de la communauté scientifique et des pouvoirs publics, le monde des entreprises s’est inscrit dans cette mouvance, contraint par la réglementation mais poussé aussi, par la recherche d’une plus grande acceptation de ses projets. Mais au-delà de l’acceptabilité, le tournant observé dans le comportement des entreprises vis-à-vis de la diversité biologique s’explique également par des opportunités économiques et financières liées à sa gestion. Il ne s’agit plus de produire en tenant compte des contraintes environnementales mais de faire de l’objectif environnemental un des facteurs de la performance des entreprises. La performance environnementale peut être favorisée par un cadre institutionnel permettant la participation active des acteurs sociaux et économiques aux décisions publiques relatives à la conservation de la biodiversité.
Mobilisation La Stratégie française pour la Biodiversité (SNB) adoptée en 2004 et plus récemment, le « Grenelle de l’Environnement », large consultation nationale de l’ensemble des acteurs économiques et de la société civile dans le domaine de l’environnement, a permis de renforcer la mobilisation de tous les acteurs, publics comme privés, et le développement de nouveaux partenariats pour définir les orientations de politique pour les prochaines années. Des actions en matière d’information et de communication ont été engagées pour aider, inciter et orienter les entreprises dans la prise en compte des impacts sur la biodiversité.
Dans le domaine de l’information, des actions ont été menées à l’échelon national, permettant aux entreprises d’établir des partenariats de recherche visant la mise au point d’un système comptable d’évaluation des impacts sur la biodiversité et de valorisation de la contribution des services des écosystèmes à la production économique et industrielle. Dans le domaine de la connaissance, d’autres actions visent l’élaboration d’outils et des méthodes d’évaluation économique des biens et services liés à la biodiversité. Voici quelques-unes unes des activités menées jusqu’à maintenant :
- Le renforcement du lien entre les résultats de la recherche en biodiversité et leur appropriation par les secteurs économiques, est favorisé par la création d’une fondation scientifique pour la biodiversité dont les entreprises peuvent être partenaires et même co-fondatrices ;
- La création prochaine d’un observatoire de la biodiversité mettra à la disposition des acteurs privés des informations pertinentes sur l’état (de conservation) de la biodiversité ;
- Des documents d’information et de communication qui mettent en évidence l’importance de la biodiversité sur les sites d’activités industrielles sont mis à la disposition des entreprises ;
- La production de guides méthodologiques sur la valorisation et l’évaluation économique de la biodiversité et de services écologiques associés ;
- Le renforcement du lien entre système d’information et d’évaluation de la biodiversité et la décision publique fait l’objet d’une analyse de la Commission nationale des Comptes et de l’Économie de l’Environnement (CCEE);
- Le portage d’un mécanisme international d’expertise scientifique sur la biodiversité (IMOSEB) permettant l’interface entre les décideurs et la connaissance scientifique en matière de biodiversité, est soutenu par la France ;
- La loi nationale relative aux « Nouvelles Régulations Economiques » (article 116) impose aux sociétés françaises cotées sur le marché réglementé, d’inclure dans leur rapport annuel « des informations sur la manière dont elles prennent en compte les conséquences sociales et environnementales de leurs activités ».
Les entreprises sont associées à ces différentes réflexions et participent de manière active en apportant leur savoir-faire pour alimenter de manière pragmatique les contributions émanant de la connaissance scientifique. Il faut noter le travail de l’Association Orée pages 10-11 de ce numero, du MEDEF (Mouvement des Entreprises de France), de l’AFEP (Association française des entreprises privées) et d’EPE (Entreprises pour l’Environnement) qui contribuent à la sensibilisation, la communication et l’expertise dans la relation ‘entreprises biodiversité’, de leurs membres. Le secteur du tourisme développe également des actions en vue de limiter la pression environnementale de ses activités (en intégrant notamment des critères environnementaux dans ses démarches de certification) et de participer à la préservation des sites naturels avoisinant les implantations touristiques.
En dépit de toutes ces avancées, le recours aux mesures réglementaires reste prédominant, laissant entrevoir des progrès potentiels dans l’utilisation d’outils de marché pour la conservation de la biodiversité. Le ministère français de l’environnement a mis en place une commission économique de haut niveau, la Commission Landau (2), associant les secteurs économiques, les associations de conservation de la nature et les partenaires sociaux, pour apporter des recommandations sur l’opportunité d’utiliser des outils économiques et de marchés liés aux servitudes de conservation, aux marchés de compensation des dommages sur la diversité biologique, et à d’autres types de partenariats institutionnels ou de contrats sociaux permettant de capturer les bénéfices des services écologiques. En outre, des formes d’intéressement et d’incitation sont en cours d’analyse pour promouvoir l’investissement socialement responsable, destinées notamment aux gestionnaires des fonds d’épargne et des retraites. D’autres propositions vont dans le sens du développement d’un étiquetage environnemental et social des produits ou bien, de l’instauration d’un label d’entreprises responsables.
Le potentiel des outils financiers et de marché pour favoriser la conservation de la biodiversité est une réalité déjà examinée par les entreprises, ainsi qu’en témoigne la création de la CDC Biodiversité pages 42-43 de ce numero. Le mécénat d’entreprise peut également représenter une opportunité financière pour les acteurs de la conservation de la nature.
Des actions et des orientations en matière de politique de conservation de la biodiversité se mettent en place progressivement mais il reste encore un long chemin à parcourir dont le succès repose essentiellement dans la qualité des partenariats entre tous les acteurs. La Convention sur la Diversité Biologique, dans sa décision VIII/17 souligne la nécessité d’explorer de telles possibilités. Des pistes d’amélioration sont toujours possibles. Elles pourraient aller dans le sens d’obligations de reporting plus précises, de la définition d’indicateurs de performance environnementale ou de formes de certification.
Sarah Hernandez est Chargée de Mission Biodiversité – Direction Etudes Economiques et Evaluations Environnementales et Hélène Souan est Chargée de mission - Cellule de la stratégie nationale pour la biodiversité, Direction de la nature et des paysages, Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement et de l’Aménagement Durables (France).
(1) « La biodiversité, un atout pour vos sites d’entreprises » - Association Orée, Comité français de l’UICN, EpE. Publication: La biodiversite, un atout pour vos sites d'entreprise
(2) Landau J.P. 2008. « Finance and Sustainable Development : opposition or partnership ? Economica.